Quand on me demande ce qu’est la facilitation, je ne sais pas répondre de manière directe, je n’ai pas de définition simple. Sans doute parce que c’est une discipline très vaste qui s’adapte à de nombreuses situations: de la petite réunion de 30 minutes qui doit aller à l’essentiel, au séminaire de 500 personnes sur 3 jours pour analyser un sujet en profondeur !
Alors je décris plutôt ce métier de facilitateur par les grands principes que j’y mets en pratique. Une liste personnelle, je n’ai pas vérifié s’il y en avait une ‘officielle’…
Identifier précisément le but : il s’agit en fait d’éviter la session de travail où personne ne sait vraiment où il faut aller. Prendre le temps avec celui qui provoque la réunion, l’atelier ou le séminaire de poser clairement l’objectif. Ce qu’on veut atteindre, et la forme sous laquelle on veut exprimer le résultat (un document ? un dessin/graphique/… ? un objet ?). Quand l’objectif est rédigé sans ambiguïté, il devient partageable, et chaque participant pourra le prendre comme répère.
Donner sa place à chacun : un défaut fréquent des sessions de travail en groupe, c’est le déséquilibre qui se crée rapidement entre les discrets et les excentriques, entre les moteurs et les râleurs. Faciliter, c’est utiliser des techniques d’animation et de travail qui mettent tout le monde sur un pied d’égalité. Parce que les meilleures idées peuvent tout à fait naître des plus timides, si on les laisse s’exprimer. Et les attaques des agressifs peuvent cacher des inquiétudes légitimes que le groupe aurait tort d’ignorer.
Forcer la créativité : pour aboutir à un bon résultat, il faut immanquablement avoir creusé plusieurs pistes. En particulier celles qui n’étaient pas évidentes. Sans ça, on tourne en rond sur les mêmes idées à chaque réunion et le groupe s’enlise… Il s’agit donc de pousser l’équipe à penser autrement (‘think out of the box’ est l’expression l’anglaise qui décrit cela). Avec des techniques qui bousculent les habitudes et forcent à aller plus loin, plus original, plus en détail, plus créatif.
Donner une place à chacun : dans une réunion classique, on se retrouve souvent dans une situation où la décision prise (par le plus fort) n’est pas adoptée par tous, mais sans que cela soit dit. Et beaucoup ressortent de l’atelier en pensant « de toute façon ça ne marchera pas.. »! Aucune chance que le projet progresse efficacement en partant sur cette base. La facilitation est au service d’une énergie collective, pour s’assurer que le résultat final reflète au maximum ce que chacun a apporté. Sans chercher l’adhésion unanime, assez illusoire, on atteindra vraiment un consensus fort. Parce que toutes les étapes auront été pensées pour une construction par le groupe entier.
Se donner le temps : un atelier facilité, c’est un enchaînement d’étapes pour se mettre en position de créer ensemble. Générer des idées (divergence), les trier pour en retenir les meilleures (convergence), recommencer si nécessaire des étapes de divergence/convergence, et enfin synthétiser un résultat… Forcément, on ne fera pas ça en 5 minutes ! Mais prendre le temps pour un travail réussi, c’est mieux que perdre son temps.
Soigner la logistique : des marqueurs qui n’écrivent pas, un vidéo projecteur qu’on n’arrive pas à connecter, ce sont des armes pour tuer une réunion dans l’œuf, ou en tout cas déconcentrer les participants. Un facilitateur va rendre tout ces aspects logistiques transparents, parce qu’il y aura pensé en détail avant. Le projecteur sera probablement inutile puisque 99% des techniques de facilitation s’en passent, et même si ça semble être un détail les marqueurs viendront de LA marque qui permet de travailler sans souci de séchage/bavage. Le groupe doit pouvoir créer sans se soucier du matériel…
Rester neutre : comme une équipe de sport qui ne verra jamais son entraîneur jouer avec elle sur le terrain, le groupe facilité doit produire par lui-même, pour lui-même. Mais par rapport à l’entraîneur sportif, le facilitateur ne va donner aucune consigne tactique. Il n’y a aucun jugement de la qualité du travail, juste un (gros) coup de pouce en apportant les bonnes techniques pour que le groupe se dépasse, en allant là où il veut. La facilitateur ne connaît d’ailleurs souvent pas le domaine d’activité du groupe, et il ne s’implique donc pas sur le fond. Son métier c’est la forme.
Travailler avec plaisir : un peu de fun au travail n’a jamais fait de mal ! Être facilitateur, c’est mettre de l’artistique, du rire, du théâtre, du mouvement, du suspens, du rythme dans les ateliers. Et un groupe joyeux, c’est un groupe qui travaille mieux !
Voilà, ce sont les quelques principes que j’applique chaque fois que je facilite un groupe. A des doses différentes en fonction de la taille du groupe, de l’objectif, de son expérience,… Au final c’est une manière de s’assurer que le facteur humain retrouve une place prioritaire. Plutôt que le temps, la hiérarchie, l’individualisme, le matériel… L’humain d’abord !
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